par Sylvie, bénévole du groupe Morbihan Est
Bonjour lectrices, lecteurs, amis du bio et du bon,
Aujourd’hui, avec Allain et Josepha, nous nous retrouvons près de Ruffiac pour une autre belle découverte, grâce à Terre de Liens : la visite de la ferme laitière bio de La Harvaie. Avant d’arpenter une partie des 29 hectares du parcellaire en voie d’acquisition par TDL, nous nous retrouvons sous un vaste hangar, bien abrités des averses éparses mais denses, afin échanger sur le lieu et son histoire, autour d’un plat délicieux préparé par nos hôtes, Pascal, l’ancien propriétaire, Romane et Hugo, futurs locataires de TDL.
Trois générations de paysans s’y sont succédées puisque c’est le grand-père de Pascal qui a commencé à travailler dans ce lieu en 1942. Lui et ses enfants étaient alors locataires. C’était majoritairement ainsi en ce temps là. Pascal est devenu propriétaire de l’exploitation en 1992 et, en mars 2023, après plus de 30 ans de soins aux bêtes et aux prairies, a trouvé un accord avec Terre de Liens pour que son exploitation demeure ad vitam dans l’escarcelle de cette belle association qui conserve les terres et en assure l’accès aux jeunes paysannes et paysans qui veulent s’installer en les leurs louant. Ainsi, Romane et Hugo seront locataires des prairies (27,5ha) et propriétaires des bâtiments agricoles, des quelques hectares attenants et du troupeau. Ils cultiveront au total 39 ha, les autres parcelles étant louées à d’autres propriétaires. L’acte de vente attend sagement son tour sur la pile des dossiers du notaire pour être signé…
En 1968, Pascal a connu le remembrement qui a changé considérablement les lieux et la façon de travailler. Au fur et à mesure de ces années passées à la ferme, il a compris que quelque chose n’allait pas dans le système agricole de l’époque. Il a converti son exploitation en bio et s’est attaché à replanter des haies pour lutter contre l’érosion des sols. Le bien-être des animaux n’était alors pas vraiment pris en compte… Aujourd’hui, ça coûte 1€ le mètre à l’agriculteur, les agence de l’eau finance le reste de l’installation et on s’attache à ce que les bêtes aient une vie bonne.
Pascal a également installé un système de drainage pour évacuer l’eau de certaines prairies très humides vers un petit ruisseau situé en contrebas… Cette installation efficace et nécessaire représente aujourd’hui un vrai défi pour Hugo : comment replanter des haies sans endommager les tuyaux enterrés ?! Est-ce seulement possible ?
A La Harvaie, le troupeau, à la rencontre duquel nous partons dès le déjeuner achevé, reste à taille humaine. Chacune des 40 vaches laitières et de la quinzaine de génisses ont un prénom : ainsi Odyssée, nourrice de 4 veaux. Au pis de cette belle noire et blanche s’accroche un veau fragile qui la tète avec délicatesse, comme s’il n’osait pas. Romane nous explique que c’est le dernier né et qu’il est encore un peu timide. Très rapidement, quand il aura pris l’assurance nécessaire, et parfois avec aplomb, il donnera des coups de tête vigoureux dans les pis de sa nourrice pour faire descendre le lait, comme ses petits copains, et se rassasier copieusement… Tous sont uniquement nourris sous la mère ou sa remplaçante, jusqu’au sevrage pour les génisses, à la vente pour certains et à l’abattage pour d’autres. Les boeufs et une partie des veaux sont vendus en direct aux voisins ou à la famille.
De jolis sentiers nous conduisent d’une parcelle à l’autre. Les laitières qui paissent dans des prairies riches en herbe printanière sont essentiellement de belles blondes au museau fin et aux yeux de velours, qui vous donnent immédiatement envie de leur faire un câlin. Fines et élégantes, elles pourraient presque faire leur cinéma à Cannes 😉 Si j’ajoute qu’elles ne sont pas très grandes et qu’elles sont connues pour être paisibles et affectueuses, je suis certaine que vous aurez trouvé de quelle race il s’agit. Bravo, ce sont des jersiaises !
Romane et Hugo ne font qu’une traite par jour, plus riche, dans une belle salle de traite. Il y a bientôt 4 ans, Pascal a installé la mono traite en supprimant d’abord la traite du dimanche soir. Petit à petit, il s’est rendu compte qu’au final, c’était moins de lait produit mais que sa qualité était meilleure, plus riche en protéines… Un peu moins de travail pour les paysans, une consommation électrique divisée quasiment par deux, et en plus, un prix du lait mieux rémunéré : c’était tout bénéfice ! Oui, car il faut savoir que le prix du lait est établi selon deux critères principaux : la quantité ET la qualité du lait. Les jersiaises produisent moins de lait qu’une normande, une montbéliarde ou une prim’holstein, mais leur lait est celui qui contient le plus de protéines et de calcium. Il est également plus riche en oligo éléments (phosphore, fer, zinc, cuivre…). Du coup, il est mieux rémunéré et compense la quantité moindre de la production de la ferme qui représente 500 litres par jour. Le camion Biolait collecte ainsi 1500 litres tous les 3 jours. Le lait des vaches de Romane et Hugo sera mélangé à d’autres, bien entendu, mais à chaque collecte, le chauffeur de Biolait prélèvera 2 échantillons, un pour le laboratoire qui analysera ses qualités nutritionnelles, un conservé une dizaine de jours par précaution. Le résultat de ces analyses déterminera le prix que Biolait leur règlera en fin de mois.
A la ferme, exploitation en système herbagé, Romane apprend de Pascal la technique du vêlage groupé, de préférence grâce aux deux taureaux du troupeau. Rubis, de race Angus sans corne, 800kg de tendresse, presque un nounours et en tout les cas, beaucoup moins effrayant que les taureaux de combat andalous 😉 Et Sirius, un brun des Alpes, beau gosse frisé, placide et attachant malgré ses faiblesses qui nécessitent les soins d’un véto ostéopathe. Mais si elle préfère laisser faire la nature, Romane utilise également la technique de l’insémination artificielle qui facilite grandement le taux de réussite. Les naissances se concentrent sur une période restreinte de deux mois, choisie pour la faire correspondre à la pousse de l’herbe de printemps. On produit du lait de la manière la plus économique puisque les vaches se nourrissent grâce à la pâture, essentiellement. En ce moment, Romane et Hugo mènent le troupeau dans un pré différent tous les 2 jours. Cette rotation leur permet d’avoir toujours de l’herbe tendre. Car ces dames sont difficiles : elles délaissent l’herbe devenue haute et dure… Un peu plus tard dans la saison, elles seront nourries d’herbes récoltées encore vertes, donc pleines de nutriments et conservées par enrubannage. Vous savez, les grosses meules que l’on voit dans les champs, sous plusieurs épaisseurs de film plastifié… Privées d’oxygène, elles se transformeront en foin macro fermenté en 2 à 3 semaines. Ces meules modernes se conservent environ 1 an et constituent un très bon apport nourricier.
De janvier à mars, le rythme ralentit : les hommes, les prairies et les bêtes se reposent. Les bovins s’installent à l’étable – aujourd’hui, on préfère le mot stabulation – aire paillée confortable pour attendre le retour du printemps…
Notre visite s’achève par la préparation de la journée « ferme ouverte » du 16 septembre prochain, organisée pour faire connaitre l’élevage et le travail de Romane et Hugo, mais aussi Terre de Liens, ses valeurs et préparer la collecte de l’épargne solidaire.
Allain sera le bénévole en charge de la liaison entre les paysans, l’association et le public. Les idées fusent et rapidement, quelques activités sont proposées pour cette journée festive à venir. Mais chut, pour le moment, c’est encore une surprise : le programme vous sera dévoilé un peu plus tard…
Sylvie et Allain, bénévoles du groupe TDL Morbihan Est.